Surname
Amyot
Given Name
Jacques
Active period
1499 - 1593
Biography
Mémoires concernant l'histoire civile et ecclésiastique d'Auxerre ...: Page 161-190
Jean Lebeuf, Ambroise Challe, Maximilien Quantin - 1851 - Afficher la publication entière
p.188
“Dès l'an 1588, on avoit songé de demandera l'évêque la suppression d'une vingtaine de prébendes, mais ce projet étoit resté sans exécution. Dans une pareille disette d'argent, de part et d'autre, les difficultés furent facilement aplanies et la paix mise entre les parties. L'auteur de la vie de notre évêque n'a pas oublié de marquer que ce prélat aimoit la musique, et qu'étant dans son palais épiscopal il ne rougissoit point de chanter sa partie avec des musiciens. Il ajoute que son amour pour le chant lui faisoit témoigner plus d'amitié à ceux d'entre les chanoines qui alloient volontiers a l'aigle pour y chanter, et il estimoit pareillement tous les tortriers, chantres, commis et autres gagistes qui avoient belle voix et qui savoient leur métier, pourvu qu'ils fussent de bonnes mœurs. Il se plaisoit même à jouer des instruments ; et souvent, avant le dîner, il touchoit d'un clavecin, pour se mettre à table l'esprit plus dégagé après ses études sérieuses. L'estime qu'il témoigna pour les musiciens les enhardit à faire main-basse sur le système de psalmodie des anciens antiphoniers de la cathédrale, dont la modulation étoit usitée au moins depuis le siècle de Charlemagne. On coupa, trancha, supprima tout ce qui ne convenoit pas à leurs nouveaux principes d'accords, en rendant cahoteux ce qui auparavant étoit doux; on introduisit donc alors une
189
barbarie et une disette étonnante, capables d'inspirer du mépris pour le plain-chant (1). Mais ce qui dut consoler les personnes zélées pour le chant grégorien et les autres chants anciens, est que , dans le temps même de ces entreprises, un chanoine commensal de notre évêque et son économe, inventa une machine capable de donner un nouveau mérite au chant grégorien. Ce chanoine, nommé Edme Guillaume, trouva le secret de tourner un cornet en forme de serpent, vers l'an 1590(a). On s'en servit pour les concerts qu'on exécuta chez lui, et cet instrument ayant été perfectionné est devenu commun dans les grandes églises. Amyot, qui témoigna toujours de l'inclination pour la musique, en eut besoin plus que jamais, pour chasser la mélancolie qui s'empara de lui, depuis son retour des Etats de Blois, et surtout depuis l'an 1591, qu'il ne fut plus grand-aumônier, ne pouvant pas même, en ce temps-là, aller se délasserà Régennes, parce que ce château étoit rempli d'une garnison, sous la conduite d'un chanoine que le Chapitre y commettoit (2). Quoique son corps fût fait au froid et au chaud, et qu'il fût d'une bonne constitution, il se trouva enfin attaqué d'une fièvre lente qui lui dessécha les poumons. Sentant sa fin approcher, il eut recours aux sacrements de l'Eglise, et les ayant tous reçus , il mourut le 6 février 1593, dans sa quatre-vingtième année.
(1) Il y a eu des chanoines assez hardis pour dire que des livres ainsi défigurés sous l'épiscopat de M. Amyot, sont le vrai et ancien chant de l'église d'Auxerre, et il s'en est trouvé d'assez simples pour les croire, quoique tout réclame contre ce préjugé.
(2) Reg. Capituli.
(a) Cependant, si l'on en croit un compte de la fabrique dela cathédrale de Sens de l'an 1453, le serpent était déjà connu à cette époque, car on y lit: « Ressoudé le » serpent de l'église et mis à point un lien de laiton qui tient le livre. » (.V. d. E.)
(b) L'évêque mourut à deux heures après midi et en présence d'un grand nombre de personnes ecclésiastiques et laïques. 4-^-' (N. d. E.)
CHAPITRE V.
JACQUES AMYOT, 96e ÉVÊQUE D'AUXERRE.
La vacance du siége épiscopal d'Auxerre, qui commença le 20 15701 1593. février 1570, et qui dura un peu plus d'un an, ne changea presque rien (a). Le Chapitre continua les pouvoirs de vicaire général à Gaspard Damy, qui l'avoit déjà été sous trois évêques d'Auxerre consécutivement, sauf les protestations que le doyen et l'archidiacre firent pouf la conservation de leurs droits (2). La seule innovation a laquelle cette vacance donna occasion, est, que le Chapitre qui avoit toujours nommé et conféré en corps les bénéfices pendant les vacances du siége, statua, le 10 février 1571, que chaque chanoine nommeroit ou présenteroit à son tour par semaine, en commençant par le doyen, usa. jusqu'à ce que le siége épUcopal fût rempli, et qu'à la vacance suivante on reprendroit le tour où l'on en seroit resté. Mais cette conclusion ne put avoir lieu cette fois-là, puisque dès le commencement du mois de mars, Jacques Amyot, successeur du cardinal de la Bourdaisière , prit possession de l'évêché par procureur.
Plusieurs historiens ont écrit certaines particularités de la vie de Jacques Amyot sur des ouï-dire, et sans avoir devant les yeux des mémoires fidèles. Tels sont Varillas, Brantôme, Saint-Réal, et même M. de Thou. Comme ils ont été déjà réfutés par un critique célèbre (1), on trouvera bon que je me dispense de rapporter les circonstances qu'ils ont marquées de sa jeunesse, sans cependant passer sous silence ce que j'ai appris par les écrits de ceux qui ont souvent parlé à ses amis les plus intimes, et auxquels il ne cachoit rien, quand l'occasion se présentoit de dévoiler ses plus grands secrets. On ne peut mieux être informé des commencements de sa vie, que par le mémoire qu'il en dressa lui-même, et qu'il confia à Renaud Martin, l'un de ses commensaux, pour l'achever après sa mort. Là-dessus Rouillard a rédigé ce qu'il en dit dans son Histoire de Melun, et en cela il aura toujours la préférence parmi les critiques. Ce mémoire ayant été inséré à la fin du livre manuscrit de la cathédrale d'Auxerre, qu'on appelle Gesla Pontificum, a été rendu public par le P. Labbe , jésuite, au bout de cette collection sur les évêques d'Auxerre. C'est ce que Bayle paroit avoir ignoré, lorsqu'il a remarqué que cette vie latine n'a pas été imprimée. Jacques Amyot y dit de lui-même qu'il étoit né à Melun, le 30 octobre 1513, de parents plus avantagés du côté de la vertu que de celui de la fortune. Il ne déclare point la profession dont étoit son père Nicolas Amyot; mais ses commensaux le tenoient pour le fils d'un petit marchand de mercerie; ce qui s'accorde avec Rouillard qui dit que ce marchand vendoit des bourses et des aiguillettes. Lorsqu'il eut appris les premiers rudiments à Melun, il alla à Paris où il continua ses études de grammaire, servant de domestique à quelques écoliers d'un collége qu'il n'a jamais nommé; sa mère, Marguerite d'Amours ou des Amours, avoit soin de lui envoyer exactement chaque semaine un
(1) Bayte dans ton Dictionnaire.
pain par les bateliers de Melun. L'avidité d'apprendre le poursuivant moiium. jusque dans la nuit, il avoit recours à la lumière que pouvoient fournir quelques charbons embrasés, et il s'en servoit au lieu de chandelle ou d'huile, tant étoit grande alors son indigence; avec ces foibles secours pour les premiers commencements, il ne laissa pas d'atteindre les classes supérieures. Il apprit la langue grecque au collége du cardinal le Moine, sous Jean Evagre rémois, qui tenoit une classe exprès pour cette langue. Il étudia la poésie sous Jacques de Tusan, professeur ropl, l'éloquence et la philosophie sous Pierre Danès (1), et les mathématiques sous Oronce Finée, tous trois professeurs royaux établis nouvellement par François Ier. S'étant fait passer maître ès-arts a dix-neuf ans (2). il alla à Bourges pour y étudier le droit civil avec un jeune homme qui fut depuis célèbre avocat en parlement (3).
Jean Lebeuf, Ambroise Challe, Maximilien Quantin - 1851 - Afficher la publication entière
p.188
“Dès l'an 1588, on avoit songé de demandera l'évêque la suppression d'une vingtaine de prébendes, mais ce projet étoit resté sans exécution. Dans une pareille disette d'argent, de part et d'autre, les difficultés furent facilement aplanies et la paix mise entre les parties. L'auteur de la vie de notre évêque n'a pas oublié de marquer que ce prélat aimoit la musique, et qu'étant dans son palais épiscopal il ne rougissoit point de chanter sa partie avec des musiciens. Il ajoute que son amour pour le chant lui faisoit témoigner plus d'amitié à ceux d'entre les chanoines qui alloient volontiers a l'aigle pour y chanter, et il estimoit pareillement tous les tortriers, chantres, commis et autres gagistes qui avoient belle voix et qui savoient leur métier, pourvu qu'ils fussent de bonnes mœurs. Il se plaisoit même à jouer des instruments ; et souvent, avant le dîner, il touchoit d'un clavecin, pour se mettre à table l'esprit plus dégagé après ses études sérieuses. L'estime qu'il témoigna pour les musiciens les enhardit à faire main-basse sur le système de psalmodie des anciens antiphoniers de la cathédrale, dont la modulation étoit usitée au moins depuis le siècle de Charlemagne. On coupa, trancha, supprima tout ce qui ne convenoit pas à leurs nouveaux principes d'accords, en rendant cahoteux ce qui auparavant étoit doux; on introduisit donc alors une
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barbarie et une disette étonnante, capables d'inspirer du mépris pour le plain-chant (1). Mais ce qui dut consoler les personnes zélées pour le chant grégorien et les autres chants anciens, est que , dans le temps même de ces entreprises, un chanoine commensal de notre évêque et son économe, inventa une machine capable de donner un nouveau mérite au chant grégorien. Ce chanoine, nommé Edme Guillaume, trouva le secret de tourner un cornet en forme de serpent, vers l'an 1590(a). On s'en servit pour les concerts qu'on exécuta chez lui, et cet instrument ayant été perfectionné est devenu commun dans les grandes églises. Amyot, qui témoigna toujours de l'inclination pour la musique, en eut besoin plus que jamais, pour chasser la mélancolie qui s'empara de lui, depuis son retour des Etats de Blois, et surtout depuis l'an 1591, qu'il ne fut plus grand-aumônier, ne pouvant pas même, en ce temps-là, aller se délasserà Régennes, parce que ce château étoit rempli d'une garnison, sous la conduite d'un chanoine que le Chapitre y commettoit (2). Quoique son corps fût fait au froid et au chaud, et qu'il fût d'une bonne constitution, il se trouva enfin attaqué d'une fièvre lente qui lui dessécha les poumons. Sentant sa fin approcher, il eut recours aux sacrements de l'Eglise, et les ayant tous reçus , il mourut le 6 février 1593, dans sa quatre-vingtième année.
(1) Il y a eu des chanoines assez hardis pour dire que des livres ainsi défigurés sous l'épiscopat de M. Amyot, sont le vrai et ancien chant de l'église d'Auxerre, et il s'en est trouvé d'assez simples pour les croire, quoique tout réclame contre ce préjugé.
(2) Reg. Capituli.
(a) Cependant, si l'on en croit un compte de la fabrique dela cathédrale de Sens de l'an 1453, le serpent était déjà connu à cette époque, car on y lit: « Ressoudé le » serpent de l'église et mis à point un lien de laiton qui tient le livre. » (.V. d. E.)
(b) L'évêque mourut à deux heures après midi et en présence d'un grand nombre de personnes ecclésiastiques et laïques. 4-^-' (N. d. E.)
CHAPITRE V.
JACQUES AMYOT, 96e ÉVÊQUE D'AUXERRE.
La vacance du siége épiscopal d'Auxerre, qui commença le 20 15701 1593. février 1570, et qui dura un peu plus d'un an, ne changea presque rien (a). Le Chapitre continua les pouvoirs de vicaire général à Gaspard Damy, qui l'avoit déjà été sous trois évêques d'Auxerre consécutivement, sauf les protestations que le doyen et l'archidiacre firent pouf la conservation de leurs droits (2). La seule innovation a laquelle cette vacance donna occasion, est, que le Chapitre qui avoit toujours nommé et conféré en corps les bénéfices pendant les vacances du siége, statua, le 10 février 1571, que chaque chanoine nommeroit ou présenteroit à son tour par semaine, en commençant par le doyen, usa. jusqu'à ce que le siége épUcopal fût rempli, et qu'à la vacance suivante on reprendroit le tour où l'on en seroit resté. Mais cette conclusion ne put avoir lieu cette fois-là, puisque dès le commencement du mois de mars, Jacques Amyot, successeur du cardinal de la Bourdaisière , prit possession de l'évêché par procureur.
Plusieurs historiens ont écrit certaines particularités de la vie de Jacques Amyot sur des ouï-dire, et sans avoir devant les yeux des mémoires fidèles. Tels sont Varillas, Brantôme, Saint-Réal, et même M. de Thou. Comme ils ont été déjà réfutés par un critique célèbre (1), on trouvera bon que je me dispense de rapporter les circonstances qu'ils ont marquées de sa jeunesse, sans cependant passer sous silence ce que j'ai appris par les écrits de ceux qui ont souvent parlé à ses amis les plus intimes, et auxquels il ne cachoit rien, quand l'occasion se présentoit de dévoiler ses plus grands secrets. On ne peut mieux être informé des commencements de sa vie, que par le mémoire qu'il en dressa lui-même, et qu'il confia à Renaud Martin, l'un de ses commensaux, pour l'achever après sa mort. Là-dessus Rouillard a rédigé ce qu'il en dit dans son Histoire de Melun, et en cela il aura toujours la préférence parmi les critiques. Ce mémoire ayant été inséré à la fin du livre manuscrit de la cathédrale d'Auxerre, qu'on appelle Gesla Pontificum, a été rendu public par le P. Labbe , jésuite, au bout de cette collection sur les évêques d'Auxerre. C'est ce que Bayle paroit avoir ignoré, lorsqu'il a remarqué que cette vie latine n'a pas été imprimée. Jacques Amyot y dit de lui-même qu'il étoit né à Melun, le 30 octobre 1513, de parents plus avantagés du côté de la vertu que de celui de la fortune. Il ne déclare point la profession dont étoit son père Nicolas Amyot; mais ses commensaux le tenoient pour le fils d'un petit marchand de mercerie; ce qui s'accorde avec Rouillard qui dit que ce marchand vendoit des bourses et des aiguillettes. Lorsqu'il eut appris les premiers rudiments à Melun, il alla à Paris où il continua ses études de grammaire, servant de domestique à quelques écoliers d'un collége qu'il n'a jamais nommé; sa mère, Marguerite d'Amours ou des Amours, avoit soin de lui envoyer exactement chaque semaine un
(1) Bayte dans ton Dictionnaire.
pain par les bateliers de Melun. L'avidité d'apprendre le poursuivant moiium. jusque dans la nuit, il avoit recours à la lumière que pouvoient fournir quelques charbons embrasés, et il s'en servoit au lieu de chandelle ou d'huile, tant étoit grande alors son indigence; avec ces foibles secours pour les premiers commencements, il ne laissa pas d'atteindre les classes supérieures. Il apprit la langue grecque au collége du cardinal le Moine, sous Jean Evagre rémois, qui tenoit une classe exprès pour cette langue. Il étudia la poésie sous Jacques de Tusan, professeur ropl, l'éloquence et la philosophie sous Pierre Danès (1), et les mathématiques sous Oronce Finée, tous trois professeurs royaux établis nouvellement par François Ier. S'étant fait passer maître ès-arts a dix-neuf ans (2). il alla à Bourges pour y étudier le droit civil avec un jeune homme qui fut depuis célèbre avocat en parlement (3).