Surname
Holard
Given Name
Jean
Active period
1531 - 1569
Institution
Chapelle ducale de Savoie
Biography
Un chroniqueur relate que ce doyen de Fribourg en 1531, converti au luthérianisme ensuite, mort en 1569 à Orbe, avait été chantre de la chapelle du duc de Savoie (Pierrefleur 1856, p. 57-58 [Année 1531] : XXXI. Du premier presche de maistre Jehan Holard en la dite ville d'Orbe. La dimenche auant Saincte-Anne prescha à Orbe son premier sermon maistre Jehan Holard (§ 6) en la religion de Saincte-Claire. Le dit Jehan Holard, dès son enfance, auoit esté introduit par son père en l'art et science de musique, il suiuit quelque peu la gendarmerie, puis fust chantre de la chapelle du Duc de Sauoye au lieu de Chambery. Depuis il vinst prestre et vesquit en iceluy ordre, par quelque temps, en bon bruit et bonne famé ; depuis il demora à Friboùrg, où il fust chanoine et doyen de la ditte église auec toute bonne renommée ; puis a esté que, comme l'on dit, la graisse luy rompist le col, car, apprès auoir demoré quelque temps en estimance d'homme de bien, c'est que finalement il vinst luthérien et fabriquoit par lettres auec les predicans de Berne, en telle sorte, qu'il fust perceu de ceux de Friboùrg, dont il fust pris et mené en prison et, sans la requeste des dits de Berne, il fusse passé pour vn homme. Depuis il sortist et fust banny de la ville de Friboùrg et contraint venir predicant luthérien. Son premier siège de pre- [58] -dicant fust à la Bonne Ville près Neufchastel, auquel lieu iceux en faisoyent dérision à cause qu'il n'estait stilé, entre autres firent contre lui vne rime, laquelle est assez du tout mal bastie.)
On conserve également une lettre de lui à Guillaume Farel. Voir: Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française : recueillie et publiée, avec d'autres lettres relatives à la Réforme et des notes historiques et biographiques. III. 1533-1536 / par A. L. Herminjard... - H. Georg (Genève) - 1866-1897
p. 12 (1533)
JEAN HOLARD A GUILLAUME FAREL, A MORAT.
La grâce et paix de Dieu nostre bon père par Nostre Seigneur
Jèsuchrist i
Très-chier frère, je rend grâce à Dieu par Jèsuchrist pour vostre
charité et soing, lequel avés pour moy et pour tous les frères,
comme j'ay aperceuz par mon frère Christofel3, lequel me faict
avoir douleur et tristesse, à cause de la povre vie qu'il mayne, ce
que par icelluy ne vous ay point rescript, pour éviter noise et sus-
pition car, par tous moyens, moy parforce [1. je nvetïorce] le ré-
duyre de son ordure, avecque souspirs et gémissemens en prières
à Nostre Seigneur, car c'est pitié. Et si prévoit grands inconvé-
niens qu'en sortiront, si Dieu n'y monstre sa grâce en brieff. Tou-
chant moy, n'est point question de faire ma demeure avecque luy,
si ne voullois bien tost espouser la besace et mendier. Car ce gal-
lant, pour lequel envestir me suys despouyllé de toute ma sub-
stance que dempuis ma jeunesse ay amassé, mayntenant moy dé-
prise et tient vill, là où je avoye espérance qu'il auroit souvenance
du bien que luy ay faict, ayant soing de moy, povre déchassé et
destitué de toute ayde mondayne. Pour quoy, mon frère, ne me
sçay recourir sinon à Nostre Seigneur et m'en plaindre à vous et
à tous bons frères en Jésuchrist, au quel néaulmoins ay ma entière
confiance.
J'ay entendu qu'avés tenuz propos de moy avecq Mons* le Secré-
taire de Berne 3, pour moy fère estre à Mery comme mon dict
frère me l'a dict 5. Le lieu est fort propice à ma complexion, et,
NOTE Néanmoins il suivit quelque temps la carrière militaire, puis fut chantre de la chapelle du Duc de Savoie à Chambéry. Étant entré dans les ordres, il devint chanoine et doyen de la collégiale de St.-Nicolas à Fribourg. Il fut exilé de cette ville vers la fin de 1530, parce qu'il entretenait une correspondance avec les ministres de Berne. (Voy. les Mémoires de Pierrefleur. Lausanne, 1856, p. 15 et 57 le Manuel du Conseil de Fribourg, séance du 12 décembre 1530, et, dans notre tome II, le N° 348, u. 2, et le N° 349, n. 4.) C'est par erreur que Berchtold (Hist. de Fribourg, II, 157) attribue à Jean Holard une lettre du lundi 28 juillet 1533, qui prononce, au nom du Chapitre, l'excommunication contre l'ermite de la chapelle de Cournillens, village voisin de Fribourg. Cette lettre sans millésime peut bien être rapportée à l'an 1533, mais on y trouve, au lieu de la signature de « J.Houlard, celle de P. Bolard. »
Voyez le N» 390, note 3.
s Pierre Giron.
4 Meiri, village situé près de Morat (Voy. le N° 287, n. 3).
5 Christophe Holard s'était rendu à Berne vers la fin de décembre 1532,
Voir Gallica: Mémoires de Pierrefleur, grand banderet d'Orbe, où sont contenus les commencemens de la Réforme dans la ville d'Orbe et au pays de Vaud (1530-1561), publiés... par A. Verdeil - D. Martignier (Lausanne) - 1856. Livre en mode image et en mode texte, recherche plein texte disponible. Extraits :
p.14-15 [Année 1531]
Nonobstant, le frère Michel estant aduerti desdits escriuains, tant par le bally qui estoit vn nommé Jost de Diesbac gentilhomme et bourgeois de Berne, que par les seigneurs et habitans de la ville, le priant de se déporter, et que en ses prédications il ne deust plus preseher contre lesdits Lutherians, mais preseher simplement. Malgré toutes remons- trances le frère Michel Juliani estoit si fort affec- tionné qu'il ne.se peust contenir de preseher et per- seuerer tousjours à la magniere accoustumée, et en continuant la caresme sans aucune moleste, jusques au jour annonciation nostre Dame qui est le 25 jour' de Mars 1531, et estoit pour lors le Sa- medy de la Dimanche de Judica me que le frère Michel prescha à son dit presche, où il se prinst à parler de mariage en déclarant l'honneur, louange, et la rétribution que fînablement les bons mariez gardant bien et honorablement ledit sainct Estât de mariage auront, cest assauoir participation en pa- radis; et puis, prinst à propos à parler de virgi- nité , sur lequel passage il prescha tant hautement que vn chascun lui prestoit l'oreille; il disoit dans ses propos que virginité estoit à préférer à mariage et plus prochaine de Dieu. Puis torna son propos15et dit : pensez-vous que ces prestres, ces.moines,, ces moinesses qui sortent hors de leur religion, parce qu'ils ne veulent point endurer la peine et la- castigation, mais renoncent à leurs voeux pour eux marier et accomplir leurs voluptés charnelles, pen- sez vous que en iceux soit accomply et fait ma- riage légitime? Ha nenny! dit-il, mais ils sont pail- lards, paillardes, infâmes et deshonnestes apostats,, abominables deuant Dieu et les hommes. Et alors,, un homme nommé Chiïstophle Hollard natif de la ville d'Orbe, qui estoit desdits suspects et qui auoit un sien frerè qui parauant auait esté prestre, ayant, eu beaucoup de bien et d'honneur de l'Eglise ; mais, luy estant en iceluy honneur se accoinsta d'une' folle femme, de laquelle il fist sa seruante, laquelle- luy donna centescus d'or en garde, et apprès qu'il eust gardé quelque temps laditte p elle fist; senoblant-ieJe^vouloir laisser, en luy demandant. ses cent escus pour se retirer. Alors le dit frere! qui se nommait messire Jehan Hollard, doyen de la ville de Friboùrg, la pria de non le laisser et la promist pour sa femme. Depuis, il renoncea à l'or- dre de prestrise et fust. predicant. Donc, à cause dé- cela ledit Christophle Hollard oyant les propos du prédicateur, osa bien prononcer et proférer de sa propre bouche, par deux fois, qu'il en auoit menty. Donc sur ce je vous laisse à penser le grand bruit, et timulte du peuple et des assistans. Certainement— 16 — j'estime qu'il fust plus gros allors, que le bruit que l'on fait es ténèbres le vendredy saint, car les hom- mes qui estaient aux chapelles vouloyent sortir pour l'assommer, comme meschant, mais ceux qui es- taient les plus pr.oscb.ains des portes.desdittes cha- pelles les cloyrent (les enfermèrent), ensorte qu'ils ;ne purent sortir. Sur ce, les femmes toutes d'un vouloir et courage allèrent où estoit ledit Christo- pllle, le prindrent par la barbe, la luy arrachant -et luy donnant des coups tant et plus; elles le dom- magerent par le visage, tant d'ongles que autre- ment, ensorte que finalement si on les eust laissé faire, il ne fust jamais sorti hors de laditte Esglise, qui eust esté grand proufit pour le bien des bons •catholiques. Enfin se leua Anthoine Agasse, pour lors chastelain d'Orbe, lequel eust bien à faire de -le recouurer des mains desdittes femmes ; il prinst le dit Chiïstophle pour prisonnier et le mist au fond de fosse en prison, et cela fist ledit chastelain pour euiter grand scandale.
VI. De la poursuillc faite pour la dcliurance dudit Chiïstophle Hollard.
- Estre cela fait, la mère dudit Ghristophle, ac- compagnée du maistre d'eschole de la ville qui s'ap-— 17 — pelait Marc Romain et depuis fust predicant, parti- rent de la ville et allèrent advertir le ballif au lieu d'un village appelle Eschàllans en vn chastêau où il faisoit sa résidence, à deux lieues d'Orbe. — Le Bally estant aduerty des affaires s'en vinst subite- ment le même jour a Orbe et arriua enuiron quatre heures apprès my jour. Donc estant arriué, il en- uoya quérir incontinent par ses officiers et sefgens le frère Michel Juliani tant à la religion que autre part. Or estoit ledit beau Père frère Michel en vne maison d'une notable femme nommée Françoise Pugin, maistresse d'apprendre les filles à toute vertu et science. Luy donc estant en laditte maison fust aduerti de la poursuite que le seigneur Bally fai- soit contre luy ; lors prist congé de la Dame et alla droit audit Bally qui estoit assis assez près du chas- têau en les attendant. Apres que le frère Michel eust salué, le Bally le prinst par la main et lui dit : je vous fais prisonnier pour la part de Messei- gneurs, et le mena en prison au lieu auquel estoit le bon proudhomme qui depuis fust réputé et prouvé larron en justice publique nommé Christophle Hol- lard, lequel fust tiré hors du trou et en son lieu fust mis ledit frère Michel Juliani.p. 57-58 [Année 1531]
XXXI. Du premier presche de maistre Jehan Holard en la dite ville d'Orbe.
La dimenche auant Saincte-Anne prescha à Orbe son premier sermon maistre Jehan Holard (§ 6) en la religion de Saincte-Claire. Le dit Jehan Holard, dès son enfance, auoit esté introduit par son père en l'art et science de musique, il suiuit quelque peu la gendarmerie, puis fust chantre de la chapelle du Duc de Sauoye au lieu de Chambery. Depuis il vinst prestre et vesquit en iceluy ordre, par quelque temps, en bon bruit et bonne famé ; depuis il demora à Friboùrg, où il fust chanoine et doyen de la ditte église auec toute bonne renommée ; puis a esté que, comme l'on dit, la graisse luy rompist le col, car, apprès auoir demoré quelque temps en estimance d'homme de bien, c'est que finalement il vinst luthérien et fabriquoit par lettres auec les predicans de Berne, en telle sorte, qu'il fust perceu de ceux de Friboùrg, dont il fust pris et mené en prison et, sans la requeste des dits de Berne, il fusse passé pour vn homme. Depuis il sortist et fust banny de la ville de Friboùrg et contraint venir predicant luthérien. Son premier siège de pre- [58] -dicant fust à la Bonne Ville près Neufchastel, auquel lieu iceux en faisoyent dérision à cause qu'il n'estait stilé, entre autres firent contre lui vne rime, laquelle est assez du tout mal bastie.
Depuis la Bonne-Ville, le dit Holard fust remis par les seigneurs de Berne predicant à Bey (Bex). en Aliod (Aigle) où il demora par long temps, sa femme y mourut sans auoir enfans et puis en reprint vne autre, de laquelle il eust trois enfans, et puis elle mourut. Estre morte, en reprint vne autre, qui estoit de la ville d'Orbe. Apres auoir demoré certain temps au dit Bey, se sentant débile de sa personne, demanda congé aus seigneurs de Berne pour se retirer au dit Orbe, ce qui luy fust ottroyé, en ce qu'il eust tous les ans pension de predicant par les seigneurs de Berne. Finalement il mourut en sa maison au dit Orbe le 24 de septembre 1569, duquel Jehan Holard il est plus amplement parlé cy apprès en l'an 1569, comme le pourras voir.
[…]
p. 121-122
LXXXI. Différent à Orbe entre ecclésiastiques et les luthériens.
Le Dimenche de Pentecoste, fust faite la cène par le predicant à Orbe, au mode et forme que des- , . sus et, après disné, fust meu débat et différent en la ditte ville d'Orbe, de la sorte que s'ensuit: c'est que le predicant nommé Fortune parloit à vn jeune fils dé l'âge de dix ans, à mode de dispute de la foy. Le dit jeune fils estoit nommé Pierre de Pier- refleur, et, sur leur propos et paroles, arriua vh prestre renié, c'est-à-dire qui auoit esté prestre, mais il auoit tout renoncé et s'estoit marié et es- toit venu predicant luthérien, nommé Jehan Ho- lard (voirie § 31), oyant les paroles et mode de dispute du dit predicant et du jeune fils, commença à dire : « Va toy moucher et à l'eschole, non pas venir icy disputer 1 » et plusieurs autres paroles injurieuses qu'il luy dit. Lors Anthoine Griùat prist la parole et la querelle pour l'enfant, aussi fist Pierre Griuat, .fils du dit Anthoine, en sorte que le predicant Fortune, le dit Holard et son frère Chris- tofle furent contrains d'eux retirer ; mais les dits deux frères Jehan et Christofle se mirent en armes auec leurs bastons et firent vne saillie jusqu'au mi-122 — lieu de la place, auquel lieu ils furent ressus et repoussez, et furent contrains de sauuer au mieux qu'ils peurent; toutesfois le dit Jehan Holard fust blessé sur l'espaule et le différent cessé.
On conserve également une lettre de lui à Guillaume Farel. Voir: Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française : recueillie et publiée, avec d'autres lettres relatives à la Réforme et des notes historiques et biographiques. III. 1533-1536 / par A. L. Herminjard... - H. Georg (Genève) - 1866-1897
p. 12 (1533)
JEAN HOLARD A GUILLAUME FAREL, A MORAT.
La grâce et paix de Dieu nostre bon père par Nostre Seigneur
Jèsuchrist i
Très-chier frère, je rend grâce à Dieu par Jèsuchrist pour vostre
charité et soing, lequel avés pour moy et pour tous les frères,
comme j'ay aperceuz par mon frère Christofel3, lequel me faict
avoir douleur et tristesse, à cause de la povre vie qu'il mayne, ce
que par icelluy ne vous ay point rescript, pour éviter noise et sus-
pition car, par tous moyens, moy parforce [1. je nvetïorce] le ré-
duyre de son ordure, avecque souspirs et gémissemens en prières
à Nostre Seigneur, car c'est pitié. Et si prévoit grands inconvé-
niens qu'en sortiront, si Dieu n'y monstre sa grâce en brieff. Tou-
chant moy, n'est point question de faire ma demeure avecque luy,
si ne voullois bien tost espouser la besace et mendier. Car ce gal-
lant, pour lequel envestir me suys despouyllé de toute ma sub-
stance que dempuis ma jeunesse ay amassé, mayntenant moy dé-
prise et tient vill, là où je avoye espérance qu'il auroit souvenance
du bien que luy ay faict, ayant soing de moy, povre déchassé et
destitué de toute ayde mondayne. Pour quoy, mon frère, ne me
sçay recourir sinon à Nostre Seigneur et m'en plaindre à vous et
à tous bons frères en Jésuchrist, au quel néaulmoins ay ma entière
confiance.
J'ay entendu qu'avés tenuz propos de moy avecq Mons* le Secré-
taire de Berne 3, pour moy fère estre à Mery comme mon dict
frère me l'a dict 5. Le lieu est fort propice à ma complexion, et,
NOTE Néanmoins il suivit quelque temps la carrière militaire, puis fut chantre de la chapelle du Duc de Savoie à Chambéry. Étant entré dans les ordres, il devint chanoine et doyen de la collégiale de St.-Nicolas à Fribourg. Il fut exilé de cette ville vers la fin de 1530, parce qu'il entretenait une correspondance avec les ministres de Berne. (Voy. les Mémoires de Pierrefleur. Lausanne, 1856, p. 15 et 57 le Manuel du Conseil de Fribourg, séance du 12 décembre 1530, et, dans notre tome II, le N° 348, u. 2, et le N° 349, n. 4.) C'est par erreur que Berchtold (Hist. de Fribourg, II, 157) attribue à Jean Holard une lettre du lundi 28 juillet 1533, qui prononce, au nom du Chapitre, l'excommunication contre l'ermite de la chapelle de Cournillens, village voisin de Fribourg. Cette lettre sans millésime peut bien être rapportée à l'an 1533, mais on y trouve, au lieu de la signature de « J.Houlard, celle de P. Bolard. »
Voyez le N» 390, note 3.
s Pierre Giron.
4 Meiri, village situé près de Morat (Voy. le N° 287, n. 3).
5 Christophe Holard s'était rendu à Berne vers la fin de décembre 1532,
Voir Gallica: Mémoires de Pierrefleur, grand banderet d'Orbe, où sont contenus les commencemens de la Réforme dans la ville d'Orbe et au pays de Vaud (1530-1561), publiés... par A. Verdeil - D. Martignier (Lausanne) - 1856. Livre en mode image et en mode texte, recherche plein texte disponible. Extraits :
p.14-15 [Année 1531]
Nonobstant, le frère Michel estant aduerti desdits escriuains, tant par le bally qui estoit vn nommé Jost de Diesbac gentilhomme et bourgeois de Berne, que par les seigneurs et habitans de la ville, le priant de se déporter, et que en ses prédications il ne deust plus preseher contre lesdits Lutherians, mais preseher simplement. Malgré toutes remons- trances le frère Michel Juliani estoit si fort affec- tionné qu'il ne.se peust contenir de preseher et per- seuerer tousjours à la magniere accoustumée, et en continuant la caresme sans aucune moleste, jusques au jour annonciation nostre Dame qui est le 25 jour' de Mars 1531, et estoit pour lors le Sa- medy de la Dimanche de Judica me que le frère Michel prescha à son dit presche, où il se prinst à parler de mariage en déclarant l'honneur, louange, et la rétribution que fînablement les bons mariez gardant bien et honorablement ledit sainct Estât de mariage auront, cest assauoir participation en pa- radis; et puis, prinst à propos à parler de virgi- nité , sur lequel passage il prescha tant hautement que vn chascun lui prestoit l'oreille; il disoit dans ses propos que virginité estoit à préférer à mariage et plus prochaine de Dieu. Puis torna son propos15et dit : pensez-vous que ces prestres, ces.moines,, ces moinesses qui sortent hors de leur religion, parce qu'ils ne veulent point endurer la peine et la- castigation, mais renoncent à leurs voeux pour eux marier et accomplir leurs voluptés charnelles, pen- sez vous que en iceux soit accomply et fait ma- riage légitime? Ha nenny! dit-il, mais ils sont pail- lards, paillardes, infâmes et deshonnestes apostats,, abominables deuant Dieu et les hommes. Et alors,, un homme nommé Chiïstophle Hollard natif de la ville d'Orbe, qui estoit desdits suspects et qui auoit un sien frerè qui parauant auait esté prestre, ayant, eu beaucoup de bien et d'honneur de l'Eglise ; mais, luy estant en iceluy honneur se accoinsta d'une' folle femme, de laquelle il fist sa seruante, laquelle- luy donna centescus d'or en garde, et apprès qu'il eust gardé quelque temps laditte p elle fist; senoblant-ieJe^vouloir laisser, en luy demandant. ses cent escus pour se retirer. Alors le dit frere! qui se nommait messire Jehan Hollard, doyen de la ville de Friboùrg, la pria de non le laisser et la promist pour sa femme. Depuis, il renoncea à l'or- dre de prestrise et fust. predicant. Donc, à cause dé- cela ledit Christophle Hollard oyant les propos du prédicateur, osa bien prononcer et proférer de sa propre bouche, par deux fois, qu'il en auoit menty. Donc sur ce je vous laisse à penser le grand bruit, et timulte du peuple et des assistans. Certainement— 16 — j'estime qu'il fust plus gros allors, que le bruit que l'on fait es ténèbres le vendredy saint, car les hom- mes qui estaient aux chapelles vouloyent sortir pour l'assommer, comme meschant, mais ceux qui es- taient les plus pr.oscb.ains des portes.desdittes cha- pelles les cloyrent (les enfermèrent), ensorte qu'ils ;ne purent sortir. Sur ce, les femmes toutes d'un vouloir et courage allèrent où estoit ledit Christo- pllle, le prindrent par la barbe, la luy arrachant -et luy donnant des coups tant et plus; elles le dom- magerent par le visage, tant d'ongles que autre- ment, ensorte que finalement si on les eust laissé faire, il ne fust jamais sorti hors de laditte Esglise, qui eust esté grand proufit pour le bien des bons •catholiques. Enfin se leua Anthoine Agasse, pour lors chastelain d'Orbe, lequel eust bien à faire de -le recouurer des mains desdittes femmes ; il prinst le dit Chiïstophle pour prisonnier et le mist au fond de fosse en prison, et cela fist ledit chastelain pour euiter grand scandale.
VI. De la poursuillc faite pour la dcliurance dudit Chiïstophle Hollard.
- Estre cela fait, la mère dudit Ghristophle, ac- compagnée du maistre d'eschole de la ville qui s'ap-— 17 — pelait Marc Romain et depuis fust predicant, parti- rent de la ville et allèrent advertir le ballif au lieu d'un village appelle Eschàllans en vn chastêau où il faisoit sa résidence, à deux lieues d'Orbe. — Le Bally estant aduerty des affaires s'en vinst subite- ment le même jour a Orbe et arriua enuiron quatre heures apprès my jour. Donc estant arriué, il en- uoya quérir incontinent par ses officiers et sefgens le frère Michel Juliani tant à la religion que autre part. Or estoit ledit beau Père frère Michel en vne maison d'une notable femme nommée Françoise Pugin, maistresse d'apprendre les filles à toute vertu et science. Luy donc estant en laditte maison fust aduerti de la poursuite que le seigneur Bally fai- soit contre luy ; lors prist congé de la Dame et alla droit audit Bally qui estoit assis assez près du chas- têau en les attendant. Apres que le frère Michel eust salué, le Bally le prinst par la main et lui dit : je vous fais prisonnier pour la part de Messei- gneurs, et le mena en prison au lieu auquel estoit le bon proudhomme qui depuis fust réputé et prouvé larron en justice publique nommé Christophle Hol- lard, lequel fust tiré hors du trou et en son lieu fust mis ledit frère Michel Juliani.p. 57-58 [Année 1531]
XXXI. Du premier presche de maistre Jehan Holard en la dite ville d'Orbe.
La dimenche auant Saincte-Anne prescha à Orbe son premier sermon maistre Jehan Holard (§ 6) en la religion de Saincte-Claire. Le dit Jehan Holard, dès son enfance, auoit esté introduit par son père en l'art et science de musique, il suiuit quelque peu la gendarmerie, puis fust chantre de la chapelle du Duc de Sauoye au lieu de Chambery. Depuis il vinst prestre et vesquit en iceluy ordre, par quelque temps, en bon bruit et bonne famé ; depuis il demora à Friboùrg, où il fust chanoine et doyen de la ditte église auec toute bonne renommée ; puis a esté que, comme l'on dit, la graisse luy rompist le col, car, apprès auoir demoré quelque temps en estimance d'homme de bien, c'est que finalement il vinst luthérien et fabriquoit par lettres auec les predicans de Berne, en telle sorte, qu'il fust perceu de ceux de Friboùrg, dont il fust pris et mené en prison et, sans la requeste des dits de Berne, il fusse passé pour vn homme. Depuis il sortist et fust banny de la ville de Friboùrg et contraint venir predicant luthérien. Son premier siège de pre- [58] -dicant fust à la Bonne Ville près Neufchastel, auquel lieu iceux en faisoyent dérision à cause qu'il n'estait stilé, entre autres firent contre lui vne rime, laquelle est assez du tout mal bastie.
Depuis la Bonne-Ville, le dit Holard fust remis par les seigneurs de Berne predicant à Bey (Bex). en Aliod (Aigle) où il demora par long temps, sa femme y mourut sans auoir enfans et puis en reprint vne autre, de laquelle il eust trois enfans, et puis elle mourut. Estre morte, en reprint vne autre, qui estoit de la ville d'Orbe. Apres auoir demoré certain temps au dit Bey, se sentant débile de sa personne, demanda congé aus seigneurs de Berne pour se retirer au dit Orbe, ce qui luy fust ottroyé, en ce qu'il eust tous les ans pension de predicant par les seigneurs de Berne. Finalement il mourut en sa maison au dit Orbe le 24 de septembre 1569, duquel Jehan Holard il est plus amplement parlé cy apprès en l'an 1569, comme le pourras voir.
[…]
p. 121-122
LXXXI. Différent à Orbe entre ecclésiastiques et les luthériens.
Le Dimenche de Pentecoste, fust faite la cène par le predicant à Orbe, au mode et forme que des- , . sus et, après disné, fust meu débat et différent en la ditte ville d'Orbe, de la sorte que s'ensuit: c'est que le predicant nommé Fortune parloit à vn jeune fils dé l'âge de dix ans, à mode de dispute de la foy. Le dit jeune fils estoit nommé Pierre de Pier- refleur, et, sur leur propos et paroles, arriua vh prestre renié, c'est-à-dire qui auoit esté prestre, mais il auoit tout renoncé et s'estoit marié et es- toit venu predicant luthérien, nommé Jehan Ho- lard (voirie § 31), oyant les paroles et mode de dispute du dit predicant et du jeune fils, commença à dire : « Va toy moucher et à l'eschole, non pas venir icy disputer 1 » et plusieurs autres paroles injurieuses qu'il luy dit. Lors Anthoine Griùat prist la parole et la querelle pour l'enfant, aussi fist Pierre Griuat, .fils du dit Anthoine, en sorte que le predicant Fortune, le dit Holard et son frère Chris- tofle furent contrains d'eux retirer ; mais les dits deux frères Jehan et Christofle se mirent en armes auec leurs bastons et firent vne saillie jusqu'au mi-122 — lieu de la place, auquel lieu ils furent ressus et repoussez, et furent contrains de sauuer au mieux qu'ils peurent; toutesfois le dit Jehan Holard fust blessé sur l'espaule et le différent cessé.